Drôle
de temps !
''Si
à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie !''
L'homme qui a prononcé cette phrase
maladroite a été copieusement moqué, alors je ne vais pas lui
jeter ma petite pierre mais je dirai simplement que j'ai beaucoup
plus de sympathie pour ce même homme quand il croquait la vie à 25
ans, en tournant autour de la terre dans sa ''Deudeuche'' avec quatre
sous en poche...
Si j'avais eu à m'exprimer sur le même
sujet, j'aurais plutôt dit :
''Si
à cinquante ans, on a encore besoin d'une montre, on a raté sa
vie !''
Je
force le trait bien sûr, mais je veux dire par là que, le jour où
l'on arrive à disposer de suffisamment de temps pour soi et pour en faire
profiter son entourage, sans avoir à subir les coups de pied aux
fesses incessants d'une trotteuse qui tourne en rond bêtement, on
peut aussi interpréter ça comme un signe de réussite.
***
Voilà, le sujet du jour est lancé :
le temps !
Prendre un peu de mon temps pour
essayer d'en capturer un peu du votre pour vous parler du temps,
quelle drôle d'idée me direz-vous !?
Mais, de façon totalement subjective,
j'ai estimé que c'était la meilleure du moment !
Alors, allons-y ! Parlons du
temps !
Vous l'avez bien compris, il ne s'agit
pas de celui qu'il a fait, qu'il fait ou qu'il fera dont on parle
tant.
Non, plutôt de l'autre, celui qui nous
préoccupe tout autant : celui que l'on qualifie parfois de
''bon vieux'' quand il s'est éloigné, qui file souvent à toute
allure et qu'on dit souvent ne pas avoir quand il est présent ou qui
se montre cruellement incertain quand il est futur, si bien que,
quand il s'agit d'en prendre du bon, on le justifie souvent en
affirmant que ''la vie est courte''.
Affirmation qui n'est pas totalement
inexacte mais qui s'effiloche très vite dès qu'on tente
de la rapprocher de notre propre sablier de vie.
Bien qu'une bonne part du sel de
celle-ci provienne du fait qu'il nous est impossible d'en connaître
la durée, on essaie parfois de tricher, plus ou moins consciemment,
en tentant d'estimer ce qu'il reste dans la partie supérieure du
sablier.
Nous prenons alors en compte notre âge,
notre état de santé, les statistiques les plus récentes sur
l'espérance de vie, nous assaisonnons le tout d'une bonne dose
d'optimisme, nous remuons et il en résulte un chiffre très
approximatif qui ne nous satisfait jamais. Le plus cruel dans
l'histoire, c'est qu'au fur et à mesure que ce résultat théorique
s'amenuise, nos petites estimations empiriques ont tendance à se
rapprocher.
Et puis on sait très bien que ces
calculs ne valent pas grand chose face aux cartes soigneusement
dissimulées que la vie peut abattre à tout moment. On préfère
alors chasser tout ça dans un coin reculé de nos pensées car nous
sommes bien obligés d'accepter l'idée de ce flou qui habille notre
temps futur.
En revanche, nous aimons bien nous
sentir maîtres du temps présent, en nous concentrant sur celui-ci
pour en faire le meilleur usage possible, nous oublions un peu celui
qui est à venir et qui se plaît à assombrir nos idées.
Mais là aussi, ce n'est pas si
simple !
Très tôt, nous avons appris que
soixante secondes mises bout à bout, bien serrées, faisaient une
minute, que soixante minutes etc.
C'est la vision mathématique du temps
à laquelle nous faisons semblant de croire tout au long de notre
vie, mais celle-ci va multiplier les occasions de brouiller cette
approche un peu trop cartésienne...
En nous attendant au tournant pour nous
asséner ses coups tordus, elle nous obligera à affronter certains
de ces instants terribles au cours desquels on sent les secondes
s'écraser lourdement, l'une après l'autre, avec une lenteur
extrême. Et puis, à d'autres moments, elle choisira de nous sourire, faussant une nouvelle fois notre rapport au temps, en faisant
s'envoler avec une légèreté déconcertante ces minutes et ces
heures de bonheur que l'on aimerait tant capturer pour
pouvoir les prolonger.
Ce temps présent est donc, lui aussi,
assez difficile à gérer avec ses soubresauts permanents qui
l'allongent parfois indéfiniment ou le font brusquement s'accélérer
en défiant les lois mathématiques.
Alors, nous tentons tant bien que mal
de nous accommoder de ces nombreux aléas. Nous déclarons souvent ''Je n'ai pas le temps de faire ceci ou cela !'' pour justifier
certains de nos renoncements et, à l'inverse, nous essayons de
multiplier les occasions de prendre un peu de bon temps pour profiter
un peu de cette vie qui nous est promise si courte...
Et les auteurs auto-édités dans tout
ça ?
Tiens ! si on allait jeter un coup d’œil
de leur côté pour connaître un peu les bizarreries que ce drôle
de temps leur réserve parfois...
***
L'auteur
auto-édité et ce drôle de temps.
Au tout début, il ne s'agissait
souvent que de quelques bribes de textes qui traînaient ici ou là.
Aussitôt écrits, ces morceaux de textes se retrouvaient ensevelis
sous les tonnes d'activités qui occupent nos emplois du temps
surchargés.
Et puis, l'envie s'est faite plus forte, nous arrivions alors à grappiller un peu de notre temps pour les compléter, les étirer, les assembler, jusqu'au jour où une drôle d'idée nous traversait l'esprit : en assembler suffisamment pour pouvoir baptiser cet assemblage ''Livre'' et essayer d'en faire partager son contenu.
Et puis, l'envie s'est faite plus forte, nous arrivions alors à grappiller un peu de notre temps pour les compléter, les étirer, les assembler, jusqu'au jour où une drôle d'idée nous traversait l'esprit : en assembler suffisamment pour pouvoir baptiser cet assemblage ''Livre'' et essayer d'en faire partager son contenu.
Cette idée n'est pas très originale
en soi, et puis, jusqu'à une période assez récente elle venait buter
contre la difficulté, réputée quasiment insurmontable, de trouver
un éditeur... jusqu'au jour où l'auto-publication numérique a
pointé le bout de son nez.
Cela a largement contribué à
stimuler notre envie d'écrire et depuis ce jour-là, curieusement,
nous avons été de plus en plus nombreux à trouver le temps de
transformer l'une de nos activités occasionnelles en objectif
prioritaire : écrire un livre et le publier.
Pendant des mois et des mois, nous
avons alors pioché suffisamment de temps pour atteindre cet objectif
que nous avions en ligne de mire et puis enfin, le jour J est arrivé !
Soulagés, nous avons posé fièrement
notre premier ebook sur l'une des étagères de la grande
bibliothèque numérique.
Ouf ! Mission accomplie !
Sauf que...
Il y avait tout de même aussi la
notion de partage qui nous titillait un peu et, de ce côté-là, on
réalise très vite que ce n'est pas gagné car, malgré notre
interdiction formelle, notre petit ebook a tendance à aller jouer
tout au fond de la bibliothèque, là où personne ne peut le voir.
On aimerait bien y remédier pour
obtenir ne serait-ce que quelques avis de lecteurs qui donneraient à
notre opus un soupçon de crédibilité (et nous rassureraient au
passage), mais on réalise qu'il va falloir, à nouveau, y consacrer du
temps, beaucoup de temps, énormément de temps.
Alors on fait ? on fait pas ?
Car, il faut bien l'avouer, quand nous
étions accrochés à nos mots en essayant de leur donner un peu de
saveur pour les présenter sous leur meilleur jour aux lecteurs, très
naïvement, nous imaginions que la rencontre se ferait beaucoup plus
facilement.
Et puis, si nous choisissons d'investir
encore beaucoup de temps pour tenter d'approcher les lecteurs,
qu'allons nous obtenir ?
Des avis de personnes qui prendront
plaisir à nous offrir quelques minutes de leur temps pour souligner
les aspects les plus positifs de nos écrits, en confiant à leurs
mots le soin de nous apporter chaleur et encouragements ?
Ou, est-ce qu'il s'agira de ceux de
personnes qui associeront leur besoin de nuire au peu de temps
qu'elles ont envie d'y consacrer et qui ne prendront alors que
quelques secondes pour décocher leurs flèches numériques ?
Dans ce cas-là, le commentaire sera
souvent tellement confus (parfois même carrément
incompréhensible) que l'archer trop empressé se discréditera
de lui-même et rendra la trajectoire de sa flèche très incertaine
(dans certains cas extrêmes, la maladresse de l'apprenti-méchant est telle qu'il peut être
victime d'un effet boomerang qui lui retournera le dard empoisonné vers un
endroit que la décence m'interdit de nommer !)
Mais il y a pire, certaines personnes n'hésiteront pas à prendre beaucoup de
leur temps pour faire mijoter longuement leurs mots dans un bouillon
d'amertume, afin d'être sûres de remplir leur seringue numérique
d'une décoction suffisamment venimeuse pour anéantir toute velléité
d'écriture du plumitif débutant.
Cela tombe aussi parfois dans la
corbeille d'auteurs confirmés qui sont alors sévèrement touchés
mais rarement coulés car il y a, dans ce cas-là, un certain effet de
dilution au milieu des autres avis panachés.
Les raisons de ce type de commentaires
sont souvent obscures mais le résultat sera sans appel pour celle ou
celui qui les recevra en guise de baptême : les centaines ou
milliers d'heures de travail de l'auteur n'auront que peu de poids
face aux quelques minutes qui ont été savamment utilisées pour
mouiller d'acide son travail.
Il y a bien sûr des critères
qualitatifs à prendre en compte et il appartient à l'auteur de
veiller à ne pas s'attirer cette sorte de commentaires mais malgré tout on peut dire que nul n'est vraiment à l'abri et cela est tout de
même assez étonnant car il n'a
jamais été aussi facile pour les lecteurs, de ne pas se tromper.
Alors quand l'un d'entre-eux ''pioche'' le bouquin d'un auteur
totalement inconnu sans prendre le temps de télécharger l'extrait
qui lui est offert pour avoir une idée du contenu et qu'il trouve
ensuite beaucoup de temps pour formuler sa critique, on peut se poser
des questions ???
Mais
ce sujet mériterait des développements beaucoup plus longs, alors nous y
reviendrons une autre fois.
Quoi qu'il en soit, l'auteur auto-édité
doit donc investir beaucoup de son temps pour essayer de tracer son
chemin vers ses lecteurs mais s'il a la malchance de faire une
mauvaise rencontre virtuelle dès ses premiers pas dans la grande
forêt amazonienne, il peut, en quelques minutes, se faire dépouiller
du fruit de ses nombreuses heures de travail...
Cette épée de Damoclès, suspendue au
dessus de nos pauvres petits mots, nous amène alors son lot
d'interrogations : est-ce que cela vaut vraiment la peine ?
est-ce que tout ce temps utilisé n'est pas du temps perdu ?
est-ce que cette vie virtuelle n'est pas en train d'arracher des
lambeaux entiers de notre vraie vie ?
Questions auxquelles il est difficile
de répondre tellement ces formes de vies sont désormais étroitement
imbriquées, tellement nous avons pris l'habitude de subtiliser à
l'une, le temps que nous offrons généreusement à l'autre...
***
En commençant ce billet, je m'étais
promis de faire court, mais je me rends compte que celui-ci s'étire
en longueur et que je suis en train d'abuser de votre temps.
Mais j'ai envie de prolonger encore un
peu cette réflexion sur le temps alors on pourrait peut-être se
retrouver une prochaine fois, si vous le voulez bien.
Je vous parlerai d'une balade en moto,
de Fontaine de Vaucluse, de chichis : éléments paraissant un
peu disparates à première vue, mais qui une fois assemblés me
permettront de vous raconter un souvenir personnel qui nourrit
souvent mes réflexions sur le temps et la relation parfois étrange
que nous entretenons avec celui-ci..
Alors, si un de ces jours vous avez
quelques minutes devant vous, vous pouvez revenir faire un petit tour
du côté de ce blog, je remettrai prochainement quelques mots au
frais et j'aurai beaucoup de plaisir à vous les faire partager lors
de votre passage.
Alors ''à bientôt'' ! si vous
avez le temps ?
Paul
P.-S. Les objets qui illustrent cet
article appartiennent à l'auteur et témoignent de son goût exquis
en matière de décoration.
P.-P.-S. Petite précision pour les
militants du MLO : en temps normal, le sablier fait sa petite
vie de sablier tranquillement dans un coin de la cuisine, sans être
affublé de ces deux cartes qui ont été rajoutées grossièrement
et les aiguilles de la pendule peuvent tourner en rond, en totale
liberté, sans se cogner la tête contre ces quelques mots.
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