vendredi 5 décembre 2014

Drôle de temps !

''Si à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie !''

   L'homme qui a prononcé cette phrase maladroite a été copieusement moqué, alors je ne vais pas lui jeter ma petite pierre mais je dirai simplement que j'ai beaucoup plus de sympathie pour ce même homme quand il croquait la vie à 25 ans, en tournant autour de la terre dans sa ''Deudeuche'' avec quatre sous en poche...

Si j'avais eu à m'exprimer sur le même sujet, j'aurais plutôt dit :

''Si à cinquante ans, on a encore besoin d'une montre, on a raté sa vie !''


   Je force le trait bien sûr, mais je veux dire par là que, le jour où l'on arrive à disposer de suffisamment de temps pour soi et pour en faire profiter son entourage, sans avoir à subir les coups de pied aux fesses incessants d'une trotteuse qui tourne en rond bêtement, on peut aussi interpréter ça comme un signe de réussite.


***

   Voilà, le sujet du jour est lancé : le temps !

   Prendre un peu de mon temps pour essayer d'en capturer un peu du votre pour vous parler du temps, quelle drôle d'idée me direz-vous !?
   Mais, de façon totalement subjective, j'ai estimé que c'était la meilleure du moment !
   Alors, allons-y ! Parlons du temps !
   Vous l'avez bien compris, il ne s'agit pas de celui qu'il a fait, qu'il fait ou qu'il fera dont on parle tant.
   Non, plutôt de l'autre, celui qui nous préoccupe tout autant : celui que l'on qualifie parfois de ''bon vieux'' quand il s'est éloigné, qui file souvent à toute allure et qu'on dit souvent ne pas avoir quand il est présent ou qui se montre cruellement incertain quand il est futur, si bien que, quand il s'agit d'en prendre du bon, on le justifie souvent en affirmant que ''la vie est courte''.
   Affirmation qui n'est pas totalement inexacte mais qui s'effiloche très vite dès qu'on tente de la rapprocher de notre propre sablier de vie.
   Bien qu'une bonne part du sel de celle-ci provienne du fait qu'il nous est impossible d'en connaître la durée, on essaie parfois de tricher, plus ou moins consciemment, en tentant d'estimer ce qu'il reste dans la partie supérieure du sablier.

    Nous prenons alors en compte notre âge, notre état de santé, les statistiques les plus récentes sur l'espérance de vie, nous assaisonnons le tout d'une bonne dose d'optimisme, nous remuons et il en résulte un chiffre très approximatif qui ne nous satisfait jamais. Le plus cruel dans l'histoire, c'est qu'au fur et à mesure que ce résultat théorique s'amenuise, nos petites estimations empiriques ont tendance à se rapprocher.
   Et puis on sait très bien que ces calculs ne valent pas grand chose face aux cartes soigneusement dissimulées que la vie peut abattre à tout moment. On préfère alors chasser tout ça dans un coin reculé de nos pensées car nous sommes bien obligés d'accepter l'idée de ce flou qui habille notre temps futur.
   En revanche, nous aimons bien nous sentir maîtres du temps présent, en nous concentrant sur celui-ci pour en faire le meilleur usage possible, nous oublions un peu celui qui est à venir et qui se plaît à assombrir nos idées.

   Mais là aussi, ce n'est pas si simple !

   Très tôt, nous avons appris que soixante secondes mises bout à bout, bien serrées, faisaient une minute, que soixante minutes etc.
   C'est la vision mathématique du temps à laquelle nous faisons semblant de croire tout au long de notre vie, mais celle-ci va multiplier les occasions de brouiller cette approche un peu trop cartésienne...

   En nous attendant au tournant pour nous asséner ses coups tordus, elle nous obligera à affronter certains de ces instants terribles au cours desquels on sent les secondes s'écraser lourdement, l'une après l'autre, avec une lenteur extrême. Et puis, à d'autres moments, elle choisira de nous sourire, faussant une nouvelle fois notre rapport au temps, en faisant s'envoler avec une légèreté déconcertante ces minutes et ces heures de bonheur que l'on aimerait tant capturer pour pouvoir les prolonger.
   Ce temps présent est donc, lui aussi, assez difficile à gérer avec ses soubresauts permanents qui l'allongent parfois indéfiniment ou le font brusquement s'accélérer en défiant les lois mathématiques.
   Alors, nous tentons tant bien que mal de nous accommoder de ces nombreux aléas. Nous déclarons souvent ''Je n'ai pas le temps de faire ceci ou cela !'' pour justifier certains de nos renoncements et, à l'inverse, nous essayons de multiplier les occasions de prendre un peu de bon temps pour profiter un peu de cette vie qui nous est promise si courte...

  Et les auteurs auto-édités dans tout ça ?

  Tiens ! si on allait jeter un coup d’œil de leur côté pour connaître un peu les bizarreries que ce drôle de temps leur réserve parfois...

***

L'auteur auto-édité et ce drôle de temps.

   Au tout début, il ne s'agissait souvent que de quelques bribes de textes qui traînaient ici ou là. Aussitôt écrits, ces morceaux de textes se retrouvaient ensevelis sous les tonnes d'activités qui occupent nos emplois du temps surchargés.
   Et puis, l'envie s'est faite plus forte, nous arrivions alors à grappiller un peu de notre temps pour les compléter, les étirer, les assembler, jusqu'au jour où une drôle d'idée nous traversait l'esprit : en assembler suffisamment pour pouvoir baptiser cet assemblage ''Livre'' et essayer d'en faire partager son contenu.
   Cette idée n'est pas très originale en soi, et puis, jusqu'à une période assez récente elle venait buter contre la difficulté, réputée quasiment insurmontable, de trouver un éditeur... jusqu'au jour où l'auto-publication numérique a pointé le bout de son nez.
   Cela a largement contribué à stimuler notre envie d'écrire et depuis ce jour-là, curieusement, nous avons été de plus en plus nombreux à trouver le temps de transformer l'une de nos activités occasionnelles en objectif prioritaire : écrire un livre et le publier.
   Pendant des mois et des mois, nous avons alors pioché suffisamment de temps pour atteindre cet objectif que nous avions en ligne de mire et puis enfin, le jour J est arrivé !
   Soulagés, nous avons posé fièrement notre premier ebook sur l'une des étagères de la grande bibliothèque numérique.
   Ouf ! Mission accomplie !
   Sauf que...

   Il y avait tout de même aussi la notion de partage qui nous titillait un peu et, de ce côté-là, on réalise très vite que ce n'est pas gagné car, malgré notre interdiction formelle, notre petit ebook a tendance à aller jouer tout au fond de la bibliothèque, là où personne ne peut le voir.
   On aimerait bien y remédier pour obtenir ne serait-ce que quelques avis de lecteurs qui donneraient à notre opus un soupçon de crédibilité (et nous rassureraient au passage), mais on réalise qu'il va falloir, à nouveau, y consacrer du temps, beaucoup de temps, énormément de temps.
   Alors on fait ? on fait pas ?
   Car, il faut bien l'avouer, quand nous étions accrochés à nos mots en essayant de leur donner un peu de saveur pour les présenter sous leur meilleur jour aux lecteurs, très naïvement, nous imaginions que la rencontre se ferait beaucoup plus facilement.
   Et puis, si nous choisissons d'investir encore beaucoup de temps pour tenter d'approcher les lecteurs, qu'allons nous obtenir ?
    Des avis de personnes qui prendront plaisir à nous offrir quelques minutes de leur temps pour souligner les aspects les plus positifs de nos écrits, en confiant à leurs mots le soin de nous apporter chaleur et encouragements ?
   Ou, est-ce qu'il s'agira de ceux de personnes qui associeront leur besoin de nuire au peu de temps qu'elles ont envie d'y consacrer et qui ne prendront alors que quelques secondes pour décocher leurs flèches numériques ?
   Dans ce cas-là, le commentaire sera souvent tellement confus (parfois même carrément incompréhensible) que l'archer trop empressé se discréditera de lui-même et rendra la trajectoire de sa flèche très incertaine (dans certains cas extrêmes, la maladresse de l'apprenti-méchant est telle qu'il peut être victime d'un effet boomerang qui lui retournera le dard empoisonné vers un endroit que la décence m'interdit de nommer !)
   Mais il y a pire, certaines personnes n'hésiteront pas à prendre beaucoup de leur temps pour faire mijoter longuement leurs mots dans un bouillon d'amertume, afin d'être sûres de remplir leur seringue numérique d'une décoction suffisamment venimeuse pour anéantir toute velléité d'écriture du plumitif débutant.



   
   Cela tombe aussi parfois dans la corbeille d'auteurs confirmés qui sont alors sévèrement touchés mais rarement coulés car il y a, dans ce cas-là, un certain effet de dilution au milieu des autres avis panachés.
   Les raisons de ce type de commentaires sont souvent obscures mais le résultat sera sans appel pour celle ou celui qui les recevra en guise de baptême : les centaines ou milliers d'heures de travail de l'auteur n'auront que peu de poids face aux quelques minutes qui ont été savamment utilisées pour mouiller d'acide son travail.
    Il y a bien sûr des critères qualitatifs à prendre en compte et il appartient à l'auteur de veiller à ne pas s'attirer cette sorte de commentaires mais malgré tout on peut dire que nul n'est vraiment à l'abri et cela est tout de même assez étonnant car il n'a jamais été aussi facile pour les lecteurs, de ne pas se tromper. Alors quand l'un d'entre-eux ''pioche'' le bouquin d'un auteur totalement inconnu sans prendre le temps de télécharger l'extrait qui lui est offert pour avoir une idée du contenu et qu'il trouve ensuite beaucoup de temps pour formuler sa critique, on peut se poser des questions ???
   Mais ce sujet mériterait des développements beaucoup plus longs, alors nous y reviendrons une autre fois.

   Quoi qu'il en soit, l'auteur auto-édité doit donc investir beaucoup de son temps pour essayer de tracer son chemin vers ses lecteurs mais s'il a la malchance de faire une mauvaise rencontre virtuelle dès ses premiers pas dans la grande forêt amazonienne, il peut, en quelques minutes, se faire dépouiller du fruit de ses nombreuses heures de travail...
   Cette épée de Damoclès, suspendue au dessus de nos pauvres petits mots, nous amène alors son lot d'interrogations : est-ce que cela vaut vraiment la peine ? est-ce que tout ce temps utilisé n'est pas du temps perdu ? est-ce que cette vie virtuelle n'est pas en train d'arracher des lambeaux entiers de notre vraie vie ?
   Questions auxquelles il est difficile de répondre tellement ces formes de vies sont désormais étroitement imbriquées, tellement nous avons pris l'habitude de subtiliser à l'une, le temps que nous offrons généreusement à l'autre...

***

   En commençant ce billet, je m'étais promis de faire court, mais je me rends compte que celui-ci s'étire en longueur et que je suis en train d'abuser de votre temps.
   Mais j'ai envie de prolonger encore un peu cette réflexion sur le temps alors on pourrait peut-être se retrouver une prochaine fois, si vous le voulez bien.
   Je vous parlerai d'une balade en moto, de Fontaine de Vaucluse, de chichis : éléments paraissant un peu disparates à première vue, mais qui une fois assemblés me permettront de vous raconter un souvenir personnel qui nourrit souvent mes réflexions sur le temps et la relation parfois étrange que nous entretenons avec celui-ci..
   Alors, si un de ces jours vous avez quelques minutes devant vous, vous pouvez revenir faire un petit tour du côté de ce blog, je remettrai prochainement quelques mots au frais et j'aurai beaucoup de plaisir à vous les faire partager lors de votre passage.
    Alors ''à bientôt'' ! si vous avez le temps ?

Paul


P.-S. Les objets qui illustrent cet article appartiennent à l'auteur et témoignent de son goût exquis en matière de décoration.

P.-P.-S. Petite précision pour les militants du MLO : en temps normal, le sablier fait sa petite vie de sablier tranquillement dans un coin de la cuisine, sans être affublé de ces deux cartes qui ont été rajoutées grossièrement et les aiguilles de la pendule peuvent tourner en rond, en totale liberté, sans se cogner la tête contre ces quelques mots.  



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